On peut légitimement se poser la question : les trois grandes agences de notations financières internationales : «The Big Three », comme on les surnomme, ont-elles le degré de fiabilité qu’on veut bien leur accorder ?
Les deux plus grandes agences de notations, « Moody’s » et « Standart and Poor‘s » détiennent 40 % du marché chacune, alors que la plus petite des trois grandes agences « Fitch Rating’s », ne détient que 14 % du marché.
A elles seules, ces trois agences détiennent 94% du marché mondial de la notation financière. C’est énorme, lorsqu’on sait qu’il y a environ 150 agences de notation dans le monde
Ces agences sont financées par le système « Emetteurs-payeurs » :
elles favorisent la détention d’actifs « bien notés » ce qui revient à dire que les employeurs de ces agences, les donneurs d’ordres, sont les acteurs même des marchés qui veulent être notés.
Une analyse du chercheur américain, Kenneth C. Kettering, dans , « Securization and its discontents, The Dynamics of Financial Product Development » met en évidence la question de la réputation d’indépendance de ces agences de notations.
Car dans le système « émetteur-payeur » les investisseurs institutionnels, banques et grandes compagnies d’assurances qui prêtent de l’argent aux états se trouvent être juges et parties avec ces agences…
Le problème est que tout se joue en fonction de la confiance qu’accordent les marchés à l’indépendance de ces agences de notations.
Une agence ne peut pas risquer de mettre une note supérieure à l’un de ses clients, car en perdant de sa crédibilité, elle pourrait perdre une partie de son chiffre d’affaire. On est ici dans le système du serpent qui se mord la queue.
Mais à chaque fois qu’une des trois grandes agence de notation dégrade la note d’un état emprunteur, ce sont les taux d’intérêt du remboursement des dettes souveraines de cet état qui grimpent en flèche...
Ainsi, le triple A de la France qui emprunte à 3,4 % ne vaut pas celui de l’Allemagne qui avec le même triple A emprunte sur les marchés à 1,7 %.
On trouve entre les deux pays un écart de 170 points de base !
On est également très loin de l’Italie qui emprunte le même argent à 10 % pour financer ses infrastructures et sa dette, après avoir été dégradé,
On voit donc tout l’intérêt pour ces grandes agences de dégrader la note souveraine d’un état, ce qui profite au premier chef aux clients de ces mêmes agences, qui pourront prêter aux états un argent plus cher qui leur rapportera plus d’intérêt.
Mais la riposte de l’Union Européenne pourrait venir, car depuis avril 2010, l’idée de la création d’une Agence de Notation Européenne fait son chemin avec les réflexions conjointes de Jean Claude Juncker, Angela Merkel et Michel Barnier.
C’est peut être la solution, lorsqu’on sait que depuis 2008, on ne peut plus vraiment faire une confiance aveugle aux agences de notations, qui avaient accordé une bonne notation pour l’américain Enron, jusqu'à quatre jours avant sa faillite.
De plus dans la crise des subprimes, des produits structurés complexes adossés aux crédits immobiliers américains utilisaient un fonctionnement de titrisation et de dérivés de crédit avec des prêts hypothécaires à risque et ont joué une partition mortelle dans le développement de la crise et dans la chute de la banque américaine Lehman Brothers.
Celle là non plus, «The Big Three », ne l’avait pas vue venir.
Qui peut donc aujourd’hui les noter, ces agences de notations ?
Dernière boulette en date : l’invraisemblable erreur de l'agence de notation Standard and Poor's, qui avait annoncé jeudi dernier « par erreur » que la France venait de perdre son fameux "triple A".
Cela a provoqué la colère de l’Elysée et l'ouverture d'une enquête de l’Autorité des Marchés Financiers à la demande de François Baroin, afin de connaître les répercussions de cette incroyable bévue sur l’économie française.